5. Analyse Météorologique

Contexte Synoptique

La carte des géopotentiels à l'altitude 500hpa, nous renseigne sur l'essentiel du contexte synoptique. L'Europe de l'Ouest est soumise à une dorsale anticyclonique qui s'échappe vers la Mer-du-Nord, ce qui provoque sur la France un large flux d'air chaud venant du Sud qui s'est installé depuis quelques jours. Parallèlement, un talweg dépressionnaire vient s'isoler en goutte froide (cut-off) au Nord du Portugal. Sur la France, entre les deux, règne un contexte de marais barométrique.

La situation est donc au premier abord assez classique, avec un air chaud bien installé qui devient instable par l'arrivée d'air froid venu de l'atlantique, le tout dans un flux de Sud. Mais justement le flux général, sur la France et particulièrement sur la zone qui nous concerne, à savoir le Centre-Ouest, est plutôt orienté de Sud-Est, voir même d'Est, ce qui constitue dans ce genre de situation orageuse, une particularité non négligeable. En effet généralement, les épisodes orageux provoqués par une goutte froide Portugaise génèrent plutôt un flux de Sud-Ouest.

30 avril 2007 - Analyse Géopotentiel 500hpa

Une carte simplifiée des fronts confirme ce qu'on a repéré avant. A savoir l'arrivée d'air froid par l'Ouest dans une zone de marais barométrique bien installé sur la France. Le développement d'orages pré-frontaux dans l'air chaud semble donc tout à fait logique dans un tel contexte synoptique.

30 avril 2007 - Analyse Frontale

La carte de l'énergie potentiel disponible (CAPE) va nous renseigner sur le potentiel d'instabilité de la masse d'air et donc la capacité qu'elle aura à fabriquer des orages forts ou non, s'ils se déclenchent. On constate que de la CAPE est présente du matin jusqu'au soir et qu'un pic de CAPE à 1500 J/Kg a lieu dans le Centre-Ouest, ce qui promet des orages assez forts en soirée, mais on peu très bien avoir de forte CAPE sans qu'aucun orage ne se déclenche, car il s'agit d'énergie potentiel.

30 avril 2007 - Analyse CAPE

Pour connaitre l'intensité des forçages d'altitude capable de favoriser les déclenchements d'orages, il peut être intéressant de repérer sur une carte des jet-streams les sorties gauche et/ou entrée droite de jet. On constate que le Centre-Ouest se situe exactement en entrée droite de jet, ce qui est particulièrement favorable pour que de puissants forçages ascendants se déclenchent en altitude. A noter que c'est un ingrédient intéressant et favorable aux orages, mais pas non plus obligatoire. Il est cependant très rare que dans une zone en entrée droite de jet et avec de la forte CAPE, aucun orage ne se développe.

30 avril 2007 - Analyse Jet-Stream

Enfin voyons les vitesses verticales. On constate que le Centre-Ouest se situe en zone plutôt jaune-rouge et donc favorable à des courants ascendants, et cela jusqu'au soir. On repère également qu'en soirée un petit dipôle (bleu-rouge) se forme à proximité du Centre-Ouest, et c'est précisément ce genre de couple (ascendant - subsidiant) que l'on essaye de repérer pour les orages avec ce genre de carte.

30 avril 2007 - Analyse Vitesses Verticales

Comme nous venons de le voir rapidement, tout concorde à ce que de puissants orages se mettent en place, en particulier dans le Centre-Ouest de la France ce jour là, et surtout en début de soirée.

Observation Météorologique

Avec le système Météo-Alerte, des observations d'orages ont bel et bien été réalisé ce jour là en France, dans le Centre-Ouest et ailleurs. La qualité du réseau dépend surtout du nombre et de la bonne volonté des bénévoles, aussi les zones vides ne veulent rien dire.

30 avril 2007 - Analyse Météo-Alerte

Voyons plus en détail avec le système SYNOP, riche de détail, en nous concentrant uniquement sur le vent dans le Centre-Ouest, et particulièrement Angers (Les autres valeurs ont moins d'importance et je les donnerais différemment).

Le vent a donc énormément varié au cours de la journée sur Angers, mais avec une dominante qui reste à l'Est. De façon plus régionale, on repère très bien également une ligne de convergence des vents qui part des côtes Atlantiques en début d'après-midi et se rapproche de l'Anjou en allant plus vers l'Est au cours du soir. Et cette convergence des vents explique précisément la ligne principale des orages qui s'est développé dans la région. On peut considérer qu'Angers se trouve dans une zone convergente secondaire entre 18h et 21h, précisément au moment des orages les plus violents.

30 avril 2007 - Analyse SYNOP

Concernant les températures, l'humidité, les pressions etc... (également donné sur la carte), elles ont moins d'importance et sont moins révélatrices dans ce qui nous concerne, mais on peut notamment s'intéresser à ces valeurs en allant ici :
- Températures
- Humidité Relative
- Pressions

Ce qu'il y a d’intéressant à noter dans ces liens, c'est qu'un air avec des températures plus douces se sont mieux maintenus à l'Est de la région jusqu'en soirée, même en Touraine (d'où est parti le dernier orage), alors qu'en même temps un rafraichissement maritime s'est fait sentir par l'Atlantique.

Concernant les pressions, dans un contexte de marais barométrique on voit bien que l'Anjou se situe au cœur d'une zone légèrement plus basse en pression, ce qui va de pair avec la présence d'une zone d'air convergent.

Enfin au niveau de l'humidité relative (ou des températures du point de rosée), comme pour la température l'air était plus sec jusqu'en soirée vers l'Est de la région et jusqu'en Touraine. Mis à part un pic d'humidité sur l'Anjou lors du second orage, on peut émettre l'hypothèse de la constitution d'une "ligne sèche" très favorable aux orages violents, se propageant en soirée depuis Tours vers Angers et venant se percuter à la zone de convergence humide proche de l'atlantique.

On peut aussi s’intéresser au tableau par ville ici :
- Tableau pour Angers

Comme valeur intéressante pour Angers, on notera une chute de la température de 4°C entre 17h et 18h pendant le second orage photographié, augmentant l'humidité relative, avec un vent moyen proche de 0km/h (mais une rafale à 40km/h). Sinon rien de probant, si ce n'est que le vent a fortement tourné entre 19h et 21h pendant le dernier orage. (Est-->Ouest-->Sud). On constate également un léger abaissement de l'humidité relative entre le second et dernier orage, ce qui se confirme nettement mieux avec les valeurs pour Tours à la même heure (et d'où est parti ce dernier orage).

Analyse Foudre

Au niveau des impacts de foudre relevé durant la journée, ils sont nombreux et concernent presque toute la France (sauf le NE). La Bretagne et le Centre-Ouest sont particulièrement touché durant l'après-midi et en début de soirée.

30 avril 2007 - Analyse Foudre

Mais l'analyse de la foudre au niveau de l'intensité montre que c'est surtout la côte Atlantique ainsi que l'Est de l'Anjou et la Touraine qui ont le plus été frappé par la foudre (je ne commente pas les autres régions).

30 avril 2007 - Analyse Foudre Intensité

Radiosondage

Il est malheureusement impossible de trouver un radiosondage proche de la région Centre-Ouest et dans le créneau horaire intéressant, aussi je ne vais pas m'attarder sur son analyse.

Le radiosondage de Brest montre une bonne instabilité, un très léger cisaillement directionnel en basse couche, et un bon cisaillement de vitesse surtout à moyenne altitude. Brest était situé en bout de ligne de convergence et son radiosondage est un parfait exemple pour avoir des orages multicellulaires très classiques et moyennement fort. Aucun signe exceptionnel ou supercellulaire cependant.

30 avril 2007 - Analyse Radiosondage Brest

Le radiosondage de Trappes (près de Paris), montre une instabilité un peu plus faible (mais présente) et très peu de cisaillement. Paris était d'ailleurs situé en marge des orages, légèrement à la limite.

30 avril 2007 - Analyse Radiosondage Trappes

On ne peut pas conclure grand chose sur le Centre-Ouest et l'Anjou à partir de cela. On peut cependant dire que le bilan sur le cisaillement est quand même peu favorable à des cellules organisées en-dehors de la zone qui nous concerne (l'Anjou). Si on décide de prendre Brest comme exemple de ce qui s'est passé sur toute la ligne de convergence Atlantique, il y avait alors peu de chance qu'une supercellule se forme le long de cette ligne.

En ce qui concerne les rotations éventuelles en basse couche, cela serait alors plutôt dû à une influence locale (topographie) ou l’influence de diverses anomalies thermiques ou de tourbillons localisés qui se répercutent en altitude avec le brassage vertical convectif. Beaucoup de spéculations donc à ce niveau, un radiosondage situé à plusieurs centaines de kilomètres et plusieurs heures avant, ne permettant aucune conclusion correcte.

Images Satellites

Voici tout d'abord une animation satellite infrarouge par palier de 2h (contrairement à ce qui est indiqué, il faut rajouter 2 heures, heure d'été. Ne pas s'occuper des heures "générées", ou alors enlevez-y 3/4 d'heures). En première approximation, on repère très bien le développement orageux en une grande ligne de convergence proche des côtes Atlantiques des Pyrénées jusqu'en Bretagne. Celle-ci est d'ailleurs resté relativement stable au cours de la journée. On repère également les orages plus isolés venant sur l'Anjou par l'Est.

L'image de 17h15 (indiqué 15h15) montre une petite zone blanche isolé sur ma position. C'était le premier orage. L'image de 19h15 (indiqué 17h15), montre un amas légèrement plus imposant proche de ma position, c'était le second orage. L'image de 21h15 (indiqué 19h15) montre bien ma position au cœur d'un vaste amas nuageux très blanc et lumineux, signe que cet orage se développe très haut en altitude. A cet heure-ci, le dernier orage venait de passer sur Angers et je me situais sous ses précipitations.

30 avril 2007 - Analyse Satellite Infrarouge

Voici une animation en lumière visible par palier d'1 heure (rajouter 2 heures), malheureusement on ne voit pas grand chose sur la zone qui nous intéresse, je ne la commente donc pas.

30 avril 2007 - Analyse Satellite Visible

Une autre animation satellite infrarouge, mais par palier d'1 heure (rajouter 2 heures). On voit assez bien les 3 orages qui m'ont concerné, dont le dernier qui explose littéralement à l'approche d'Angers (point rouge).

30 avril 2007 - Analyse Satellite Infrarouge

Cette image en lumière visible a été prise vers 15h. Elle correspond donc à peu près à la situation juste avant que je photographie le premier orage de la journée. On voit très bien cet orage isolé à l'Est de ma position (l'orage en formation se situe à ce moment là vers Saumur). On note qu'il est un peu plus vaste qu'un simple orage monocellulaire, mais moins grand qu'un multicellulaire, bien qu'il soit difficile d'interpréter ce genre d'image.

30 avril 2007 - Analyse Satellite Visible 15h

Cette image en lumière visible a été prise vers 17h, soit au moment où le second orage que j'ai photographié se rapproche de ma direction. Contrairement aux amas que l'on voit ailleurs, ils semble de dimension bien modeste. Mais ne nous y trompons pas, la plupart des amas orageux sur la France sont des MCS, certes témoins d'orages plus étendues, mais pas forcément localement plus violent. De plus un orage, nait, vit et en mourant s'étale ainsi. Une image fixe prise à un instant T n'est donc pas forcément le plus parlant pour discuter de l'évolution d'un orage. Le second orage que j'ai photographié n'est de toute façon pas l'orage qui nous intéresse le plus durant cette journée, je ne m'y attarde donc pas.

30 avril 2007 - Analyse Satellite Visible 17h

Cette image prise en lumière infrarouge a été prise à 20h, soit juste avant que le dernier orage n'explose (comme on le voit sur l'animation IR précédente, montrant une image à 21h15). Difficile d'interpréter ce genre d'image. On remarque que des orages se développent sur toute la zone situé au Sud-Ouest de Paris. L'orage qui nous intéresse ici se situe à l'Est immédiat du point rouge et est encore de petite taille (voir mes photos prises à 20h).

30 avril 2007 - Analyse Satellite Infrarouge 20h

Enfin une image en lumière visible prise vers 20h également. Même en regardant cette image satellite assez détaillé, il est difficile d'imaginer que la petite zone blanche à l'Est de ma position, va d'ici quelques minutes exploser en un violent orage.

30 avril 2007 - Analyse Satellite Visible 20h

Je regrette malheureusement de ne pas avoir trouvé d'animations satellite plus complètes et détaillés, faisant avec le peu de moyens dont je dispose. On se rend tout de même compte à travers ces images de la situation, mais nous ne pouvons en faire d'analyse détaillé pour mieux comprendre, mes photos restant bien plus parlante.

Images Radars

Tout d'abord je m'excuse de ne pas montrer des images radars plus détaillés. Je n'ai malheureusement pas sauvegardé à l'époque ces images et dois me contenter d'archives radars en basse résolution. De plus il existe des problèmes de droit avec les images provenant de Météo-France et il ne faut donc pas en abuser à chaque dossier (malheureusement, car c'est pédagogiquement très utile).

L'animation radar par palier d'1h, reste malgré tout assez parlante et se passe quelques peu de commentaires. On voit bien les 3 orages qui m'ont concerné et leur degré respectif d'intensité avec ce dernier orage qui explose entre Saumur et Angers entre 20h et 21h. A ce niveau de basse résolution, il n'est cependant pas possible de dégager de signatures particulières dans la configuration des orages. En première approche il n'y a aucun signe supercellulaire visible.

30 avril 2007 - Analyse Radar

Synthèse Synoptique

Nous l'avons vu, tous les indices étaient favorables pour avoir de violents orages sur l'Anjou. Ce n'est pourtant pas ici qu'il y a eu le plus d'orages, la zone plus proche de l'Atlantique ayant développé très tôt dans l'après-midi une vaste ligne de convergence orageuse très durable. Ceci s'explique au fait que les côtes étaient au plus près de l'air froid d'altitude (et du cyclonisme dû à la goutte froide Portugaise) venu de l'océan et que la convergence avec l'air chaud continental était mieux organisé, d'où la naissance de nombreux foyers orageux multicellulaires près des côtes.

Cependant, bien que plus isolé, l'instabilité était potentiellement plus importante en Anjou et en Touraine. L'absence de compétition entre les cellules permet à un orage isolé des autres, de garder pour elle tout l'énergie disponible alentour et donc tout son potentiel orageux. C'est donc bien le principe de l'isolement qui explique le caractère plus violent des orages en Anjou. De plus, au cours de l'après-midi, la ligne de convergence a légèrement glissé en direction de l'Est, plaçant ainsi l'Anjou dans une position parfaitement idéale pour développer de puissants orages. A la fois potentiellement plus instable, sans compétitions et de plus en plus placé en zone convergente. Tout était donc réuni pour qu'en début de soirée, au moment où l'énergie convective est la plus forte, la situation explose tout d'un coup à l'Est d'Angers.

On notera également qu'une petite advection sèche d’altitude (visible sur d'autres images satellites, non présente dans ce dossier) et/ou de surface (en regardant les valeurs d'humidité relative (et point de rosée) dans la région), qui se baladait près d'Angers en soirée, a surement joué un rôle dans l'aggravation de l'orage et sa forme évasé en éventail si particulière (partie 2 du dossier), permettant l'étalement par l’intermédiaire du cisaillement de vitesse de glisser sous une couche plus sèche et stable. La formation d'une ligne sèche (dry line) est donc probable.

Analyse de la Tornade

Tornade, Tuba, Scud Cloud ou Microrafale ?

Tout d'abord, il faut déterminer si c'est bien une tornade. Pour cela 2 questions doivent être résolu. On doit pouvoir déterminer une rotation, et affirmer qu'elle touche bien terre. La rotation doit alors avoir lieu jusqu'au sol et l'on doit pouvoir déterminer près du sol, soit des débris s'envolant, soit un buisson, soit la présence d'un vent rotatif sur la végétation.
- Tornade = Les 2 conditions sont réunies : rotation visible et touche le sol
- Tuba = 1 seule condition réunie : rotation visible, mais ne touche pas le sol
- Microrafale = 1 seule condition réunie : pas de rotation visible, mais vent violent localisé touchant le sol
- Scud Cloud = aucune condition réunie : pas de rotation visible et ne touche pas le sol

On peut déjà écarter la thèse de la microrafale. Il en existe de plusieurs sortes, mais aucun type de microrafale ne correspond du tout à ce qui s'est passé. Il reste donc à déterminer s'il s'agit d'une tornade, d'un tuba ou d'un scud cloud.

Mes photos seules permettant d'éliminer l'hypothèse du scud cloud. En effet une rotation est bien visible au moins dans la partie haute, on le voit particulièrement sur mes photos entre 20h37 et 20h40, et particulièrement celle de 20h38. De plus l'ayant vécu en direct, à moins de considérer que mon propre témoignage est faux, je peux affirmer que j'ai vu de mes propres yeux une rotation rapide et réelle au sein de l'excroissance nuageuse. Je n'avais à l'époque pas encore de caméra vidéo, et cela l'aurait prouvé il est vrai de façon définitive. Cependant les photos sont tout de même suffisamment parlante et ce n'est pas le caractère rotatif de cet événement qui fait de toute façon débat. Il reste donc à savoir s'il a touché terre ou non. Tuba ou Tornade ?

Tuba ou Tornade ?

Sur certaines de mes photos, il semble que l'on puisse voir un buisson ou cône de débris proche du sol, mais il est vrai que c'est sujet encore à débat, car on ne peut pas l'affirmer à 100% et cela reste assez subjectif. On ne peut affirmer ni oui, ni non, en ne se servant que de mes photos. J'étais situé en effet à environ 2 à 5km de l'endroit où cela s'est passé et les 100m les plus proche du sol restent donc définitivement hors de ma portée.

Mais une autre personne, située à environ 1km a réussie à prendre également cela en photo. Voici 4 photos prises depuis Saint-Barthélémy-d'Anjou. Photo de 20h45. (Copyright Ludovic Camus)

30 avril 2007 - Tornade

Photo de 20h45. (Copyright Ludovic Camus)

30 avril 2007 - Tornade

Photo de 20h46. (Copyright Ludovic Camus)

30 avril 2007 - Tornade

Photo de 20h47. (Copyright Ludovic Camus)

30 avril 2007 - Tornade

Bien qu'intéressante, ces 4 photos ont été prise sans doute trop tard. Elle constituent cependant un relais de 2 minutes après mes propres photos, puisque la dernière photo que je pourrais réaliser de ces excroissances nuageuses s’arrête à 20h42. Il aurait fallut une photo proche prise à 20h38 pour avoir une bonne idée de la présence de débris au sol. Son témoignage est cependant intéressant, puisque lui aussi affirme qu'il y avait bien rotation. Cependant on ne sait toujours pas si elle a touché le sol ou non.

Mais d'autres témoignages permettront de clarifier la situation. En effet, voici le rapport simplifié de Keraunos : LA TORNADE DU 30 AVRIL 2007 A SAINT-BARTHÉLEMY-D'ANJOU (49). Plusieurs témoins ont donc bien signalé le fait qu'elle ait touché terre. Je ne sais pas sur quoi (ou qui) se base Keraunos pour délimiter la zone possible, car de mon point de vue je voyais cela encore 2km environ plus au Nord (au-dessus de la nationale en rouge), qui est une zone à la limite entre la campagne et la zone industrielle de Saint-Barthélémy-d'Anjou (et non directement sur la ville comme sur cette carte), mais cette différence explique peut-être pourquoi moi ou eux n'avons pas retrouvé de trace au sol visible de la tornade, et il est évidemment maintenant trop tard pour corriger le tir.

Compte tenu des éléments dont je dispose, voici la zone que j'ai ciblé :

30 avril 2007 - Carte Zone de la Tornade

Comme signalé, cette tornade était de toute façon de faible intensité (classé EF0, soit entre 105 et 135km/h), et le front de rafale généré par l'arcus, qui a eu lieu immédiatement derrière (environ 70 à 80 km/h) a sans doute brouillé les cartes, pour retrouver des traces. L'ensemble des indices additionnés et les témoignages divers permettent donc d'affirmer que l'excroissance nuageuse s'est fait ressentir jusqu'au sol en un vent violent rotatif et localisé, bien avant le front de rafale lui-même. Il s'agit donc bien d'une tornade.

Tornade, Tourbillon ou Trombe ?

Il existe différents types de classification. Parmi ceux-ci on distingue les tornades, des tourbillons. Les dustdevils (appelé aussi tourbillons de poussière), ne sont pas classés dans la catégorie des tornades. Il existe aussi les steam devils, sorte de petits tourbillons se formant sur les lacs et les snow devils, se formant sur la neige, ainsi que les fire devils, sorte de tourbillon de feu se formant parfois lors d'incendies. Ces 4 types de tourbillons ne se forment d'ailleurs sans aucun orage et ceci ne correspond pas du tout à notre cas. Je ne m'y attarde donc pas.

Une autre distinction a lieu selon la nature de la surface où cela se forme. S'il s'agit d'un sol dur, on appellera ça une tornade. S'il s'agit d'une surface d'eau (mer ou lac), une trombe (waterspout en anglais). En fait, la distinction se fait surtout au niveau du mécanisme qui l'engendre. En effet une tornade d'origine supercellulaire et mésocyclonique se formant sur la mer ou un lac gardera sa classification de tornade et non de trombe. Les véritables trombes marines (assez commune) ont un mode de fonctionnement qui leur ait propre, dont la différence de température de l'eau est le principal moteur, raison pour laquelle on les classe à part. Là encore une trombe (ou waterspout) ne correspond pas à notre cas.

Tornade Mésocyclonique (Type A) ou Non-Mésocyclonique (Type B) ?

Selon toute vraisemblance et compte tenu des indices dont nous disposons, l'orage qui l'a créé était un orage multicellulaire. Cette tornade est donc d'origine non-mésocyclonique, c'est à dire classé comme Tornade de type B. Les tornades d'origine supercellulaire (type A) sont généralement mieux organisés, plus durables, plus violentes et plus spectaculaires. Ce sont ces tornades qui causent les plus gros dégâts, surtout au USA.

Notre tornade est donc une petite tornade et aucun nuage-mur rotatif ni mésocyclone n'est à l'origine de sa formation. Les images radars de l'orage ne possèdent de plus pas la signature particulière d'une supercellule. Cependant là encore en l'absence de radar doppler nous ne pouvons l'affirmer avec certitude. Il est possible qu'à un l'endroit précis où la tornade s'est formée une rotation profonde des vents ait eu lieu, mais ce sont des conjectures qui s'opposent un peu à ce qui est communément admis sur les supercellules.

Il s'agit cependant bien d'un cisaillement localisé de basse couche qui est à l'origine de cette rotation, mais ne correspond pas pour autant au mécanisme mésocyclonique.

Tornade, Landspout ou Gustnado ?

Nous arrivons au cœur de notre problème. Pour cela j'ai dû me faire aider en contactant directement les milieux scientifiques américains, mais j'y reviendrais plus tard. Selon la classification américaine, les tornades sont divisés en 3 catégories :
- Les tornades mésocycloniques d'origine supercellulaire (Type A)
- Les tornades non-mésocycloniques appelé Landspout (Type B)
- Les pseudos-tornades non-mésocycloniques appelé Gustnadoes (Type B)
Nous venons de voir qu'il ne s'agissait pas d'une tornade de type A. Reste donc à déterminer s'il s'agit d'un landspout ou d'un gustnado.

Cela s'apparente dans le principe un peu aux gustnadoes plus connus. Mais alors qu'un gustnado n'est pas relié à l'arcus, ne se matérialise que comme un buisson, est surtout créé par des turbulences directement dans le front de rafale et ne possède pas vraiment un tourbillon bien défini à l'avant, ici nous avons toutes les caractéristiques d'une tornade (tuba laminaire + buisson relié). On parlerait alors plutôt de "gust tornado" mais ça serait un abus de langage.

Ce type de tornade s'apparente également dans la forme à un landspout et ait comme elle liée à la présence de forts cisaillements en basse couche rencontrant de fortes ascendances, mais la ressemblance s'arrête là. Les landspouts ne se matérialisent jamais au sein ou à proximité d'un front de rafale. On rencontre généralement les landspouts au sein de système froids à forts cyclonisme avec présence de forts cisaillements localisés en basse couche. En France on a l"habitude d’appeler cela des tornades d'airs froids, car elles sont plus fréquentes l'hiver, mais ce n'est pas non plus une obligation conceptuelle.

Tornade de Front de Rafale : une nouvelle classe hybride de tornade

Puisqu'il est impossible de déterminer dans quelle catégorie classer notre tornade, j'ai donc dû faire appel aux spécialistes américains (via notamment le forum Stormtrack), et je dois dire que ce cas les a fortement intéressés. Il n'avaient en fait jamais vu de cas similaires, ce qui m'a rassuré, je ne suis pas fou, même aux USA cette tornade est originale. Nous avons l'habitude de classer les choses dans des cases bien définies et la nature nous rappelle souvent que ce n'est pas toujours possible. En effet il existe des cas hybrides. Très rares, mais qui existent.

Grâce à la consultation des spécialistes des tornades aux USA, j'ai par exemple appris qu'il existait 1 cas référencé de tornade hybride entre une tornade supercellulaire et un landspout, cas que vous pouvez consulter ici : Hybride Landspout Mésocyclonique

De même, 1 cas a été référencés comme étant un hybride entre un gustnado et une tornade supercellulaire, que vous pouvez consulter ici : Hybride Gustnado Mésocyclonique

Restait à trouver un cas d'hybride entre un gustnado et un landspout, ce qui est chose faites avec ma tornade. Ce sont les américains eux-mêmes qui ont proposé cette dénomination. Avant de les consulter, j'avais appelé ça, "une tornade de front de rafale", terme que j'ai donc gardé. Une tornade de front de rafale est donc en fait un type particulier de "landspout" qui se forme à la limite du courant de densité d'un front de rafale (donc à l'avant de celui-ci). La frontière de ce type de tornade, avec un "gustnado" n'est pas bien défini et l'on suppose qu'une tornade de front de rafale est en fait une forme totalement aboutie de gustnado, en landspout. Une tornade de front de rafale suppose donc de la vorticité à la frontière du courant de densité, capables de transformer un pseudo-gustnado, en véritable tornade. Une tornade de front de rafale est donc une tornade hybride non-mésocyclonique de type B gustnado-landspout.

Cette tornade angevine est donc l'unique exemple aussi bien documenté et certain d'un hybride gustnado-landspout que ce soit en France ou au USA (ou bien dans le monde qui sait). Il y a de quoi donc avoir une certaine fierté à vous la présenter et l'analyser.

A noter que toutes les autres griffes nuageuses, excroissances et dents proéminentes de l'arcus qui sont non-rotatives et restent au-dessus du sol peuvent être considérés comme des "scud clouds".