Compte tenu qu'il y a 4 jours à analyser (du 27 au 30 juillet 2005) et que les orages proprement dit pendant cette période, furent soit lointain, soit de moyenne puissance, je ne vais pas réaliser une étude synoptique aussi poussé que pour une seule journée.
Vu depuis les satellites, la lumière infrarouge nous permet de voir l'évolution du haut des nuages, de jour comme de nuit. Le point rouge est ma localisation. Les heures sont en heure UTC (+2h en été). Cette image a été recolorisée artificiellement. Plus l'image est blanche, plus la température est froide. Les sommets des plus gros orages sont d'un blanc fort et scintillant car ce sont les nuages qui ont les températures les plus basses (jusqu'à -80°C). Les autres nuages de haute et moyenne altitude peuvent se confondrent avec les orages et être aussi blanc surtout lorsqu'ils sont épais (cirrus + nimbostratus par exemple). Les nuages de basse altitude auront un aspect assez grisonant. Les brouillards seront à peine perceptible en infrarouge, car noyé dans l'infrarouge du sol terrestre (température ambiante).
Le point rouge clignotant représente les moments où j'ai pris des photos et donc coresspond aux 4 parties photographiques de ce dossier.
En résumant la situation, on peut en tirer déjà quelques enseignements :
- Le 27 juillet d'abord, une perturbation océanique arrive par l'Atlantique. Le matin, l'air chaud remonte par flux de Sud-Sud-Ouest derrière un front chaud nuageux et faiblement pluvieux, allant du Bordelais jusqu'au Bassin Parisien, alors qu'un front froid aborde déjà l'ouest du pays. C'est dans l'après-midi du 27, lorsqu'il progresse dans les terres, que le front se déstabilise et que de nombreux orages se forment sur une ligne classique des Pyrénées aux Ardennes en passant par le Massif Central. Pour ma part j'échappe quelques peu aux orages ce jour là (partie 1 du dossier).
- Le 28 juillet dès le matin, un premier épisode orageux se forme du Centre-Ouest au Bassin Parisien toujours dans un flux de Sud-Ouest (voir partie 2 du dossier). C'est la journée la plus orageuse car ensuite dès le début d'après-midi, de violents orages multicellulaires se forment presque tous en même temps du Sud-Ouest jusqu'à la Belgique, en passant par tout le Centre de la France. De gros MCS perdureront ensuite sur la même zone jusque vers 4h du matin.
- Le 29 juillet, alors que les orages de la veille finissent de s'évacuer vers l'Allemagne, de nouvelles cellules orageuses se forment sur tout le littoral Aquitain et le Poitou dès le matin. Ils progressent rapidement dans l'après-midi sur le Massif Central, le Centre et le Bassin Parisien. En fin d'après-midi, c'est au tour du Nord-Est et des Alpes d'être touchés par les orages. Ce front orageux provoquera ensuite de violents orages dans une partie de l'Europe de l'Est. A l'arrière, une traine assez active mais peu étendue, se met en place sur les Pays de Loire (partie 3 du dossier) jusqu'en soirée.
- Le 30 juillet, une traine de nouveau active se met en place mais touche cette fois-ci l'ensemble de la moitié Nord de la France (partie 4 du dossier). Des nuages-bas tenaces envahissent les pyrénées ainsi que les piémonts alentours.
Classiquement, on commence généralement par regarder la carte des géopotentiels à 500hpa pour dégrossir un peu la situation en altitude (5600m environ).
Il n'est pas difficile de comprendre la situation synoptique qui domine ces 4 jours. Un talweg allant de l'Ecosse jusqu'au Portugal avance très lentement en direction de l'Ouest de la France. Après presque 2 jours d'immobilisation, il fini par s'évacuer en goutte froide vers la fin de la journée du 29 vers la Manche puis la Mer du Nord le 30.
A l'avant, air chaud + flux de Sud-Ouest.
A l'arrière, air froid + flux d'Ouest.
Entre les 2, des orages. Scénario estival classique.
On note la présence d'un jet-stream vigoureux pendant toute la période. Son ondulation à travers l'Atlantique s'est arrêté net devant l'Europe et il génere un long flux de Sud-Ouest de l'Espagne à la Mer Baltique pendant presque toute la période. Difficile de repérer ici de franches sorties gauche ou entrée droite de jet (quelques petites tout de même). Cependant l'aspect vigoureux et constant du jet induit forcément un fort dynamisme cyclonique en altitude (tourbillon absolu), propice au maintien de virulentes cellules orageuses.
Enfin une vue schématique des fronts en surface vaut parfois tous les discours pédagogiques, à condition que l'on ne veuille pas rentrer trop dans les détails.
- Le 27 juillet, domination d'un front chaud remontant vers la Mer du Nord sur un champ de pression assez mou (orages pré-frontaux).
- Le 28 juillet, la situation n'a guère évoluée, mise à part la présence en plus d'un talweg thermique sur la France et l'Allemagne (orages pré-frontaux violents).
- Le 29 juillet le front froid enfin aborde la France (orages frontaux), alors que derrière lui à nouveau un talweg thermique se profile (orages de traine).
- Le 30 juillet l'air froid domine la France et un talweg thermique se dessine de nouveau au sud de la dépression (orage de traine).
- Le 31 juillet l'atmsophère devient plus calme avec le retour d'une dorsale anticyclonique par le Sud-Ouest.
Scénario estival très classique avec l'arrivée au ralenti d'une anomalie de tropopause par l'Atlantique et qui s'étale en une ligne du Nord au Sud, générant sur sa facade avant des orages pré-frontaux en flux de sud-ouest, des orages frontaux au niveau de la perturbation, puis des orages de traine par flux d'Ouest/Nord-Ouest. En hiver, ce scénario synoptique aurait donné une classique perturbation pluvieuse sans orages frontaux ou préfrontaux (mais peut-être une traine équivalente).
Inutile de montrer plus de schémas, pour en conclure qu'une ancienne goutte froide portugaise est remonté vers le Nord de l'Europe, emportant devant elle, de l'air chaud et humide sur toute l'Europe. A mesure que l'air chaud rencontre le cyclonisme d'altitude vers les pôles, il gagne en énergie cinétique et emporte l'air froid avec lui en l'aspirant par son coté arrière, engendrant un nouveau regain dynamique et dépressionnaire à la goutte froide vers la Mer du Nord 2 jours plus tard. Une traine active se met vite en place alors que la dépression barocline rentre à nouveau dans le flux général terrestre (courant dominant d'ouest du climat tempéré = Jet Stream Zonal). La goutte froide (cutt-off) est de nouveau recyclé en dépression barocline, qui de nouveau finira à l'autre bout de la Terre, en talweg ou en goutte froide etc... Ce cycle est perpétuel (d'un point de vue météorologique et non climatique) et conservatif. Le bilan énergétique général est nul, même après d'énormes orages. Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme.